Cinq femmes d’origines diverses issues d’une commune populaire de Bruxelles parlent de leurs vies, de leur condition de femme, de leur rôle de mère, et en parallèle, de la pratique de leur art, dessinent une autre géographie, peut être plus humaine, de la capitale belge.
Molenbeek-Saint-Jean, ancien faubourg de Bruxelles présente un panel sociologique assez remarquable sur le plan de la diversité de sa population, mais encré dans un contexte de cohabitation sociale et de redéploiement économique difficiles.
Cette diversité, la cinéaste belgo-tchèque Eva Houdova ne l’envisage pourtant pas autrement que comme la variation toujours personnelle « des mêmes thèmes… humains (& féminins) » rejoués. Les cinq femmes rencontrées pour ce documentaire font à tour de rôle part de leurs expériences et ressentis de maman, des valeurs qui ont baigné leurs existences et celles qu’elles aimeraient transmettre à leur(s) enfant(s), et partagent en commun la même originalité d’une vision spécifique de la femme en société étroitement liée à la pratique d’une activité artistique.
Il ya Hélène, une Togolaise en attente de régulation depuis 10 ans ( !) qui s’occupe seule de sa fille adolescente et qui s’adonne à une photographie de « composition ». Des clichés (retravaillés par la suite) qu’elle prend d’elle-même ou de parties spécifiques de son corps saisies à la maison, et qui l’aident à dépasser les questions qui l’assaillent (la double identité, le « pays » où se poser définitivement…) et lui offrent un véritable espace individualisé de liberté créatrice.
Quelques rues plus loin, Jamila, divorcée et mère deux enfants, travaille sa passion de la décoration chez elle (son appartement ou sa maison est son atelier…) en autodidacte. Très préoccupée par le devenir de sa fille et de son fils, elle essaie de trouver le juste milieu entre l’éducation plutôt traditionnelle qu’elle a reçue et celle, davantage centrée autour dialogue, qu’elle voudrait leur apporter.
A 66 ans, Yvette, veuve et mère de quatre enfants crée des structures torsadées, à base de matériaux de récupération originales et à la croisée de la peinture (qu’elle exerce également indépendamment) et de l’architecture, dans un atelier collectif. Elle pose sur son travail un discours touchant, pétri de simplicité et de sens pratique, naturellement en lien avec son vécu personnel plutôt qu’artificiellement relié à une quelconque revendication esthétique. Un passage à l’acte artistique effectué sur le tard que cette mère au foyer très disserte aura longtemps repoussé et effectué de façon graduelle, à l’arraché de quelques compromis de famille.
Maïté, en couple et mère de deux enfants, part de son historique familiale (elle est une Espagnole, Basque née dans les Marolles) pour parler da sa passion pour le Théâtre. Elle anime des ateliers d’improvisation théâtrale dans les écoles de Molenbeek qu’elle ne voit pas autrement que comme un instrument d’apprentissage à vocation multiple ; à l’expression ; au langage et aux valeurs. Et l’éducation qu’elle voudrait donner à ses enfants davantage axée sur la communication, la négociation et le respect des choix individuels, diffère de celle qu’elle a reçue, plus axée sur l’obéissance et une stricte répartition des rôles sociaux.
Enfin Nadia, 30 ans, mariée et maman d’une petite fille, se dévoile dans une peinture « semi-figurative », géométrique, aux riches associations de couleurs. Elle revient sur quelques difficultés concrètes rencontrées dans sa vie de mère (prendre le métro avec un enfant), sur la famille nombreuse au sein de laquelle elle a grandi, ainsi que sur les mérites et différences comparés du rôle de mère d’une génération à l’autre, entre la sienne et celle de sa maman, arrivée en Belgique sans y avoir été préparée…
Se tenant à l’écart de tout questionnement d’ordre mercantile – l’activité artistique relève ici entièrement de l’épanouissement personnel - Vue sur mères est avant tout un regard original sur l’évolution des rôles de femme et de mère dans une société pluriculturelle originale et en mutation permanente …
Yannick Hustache - PointCulture
