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Dames de couleurs (Patricia GERIMONT et Jean-Claude TABURIAUX, 2012)

Jeudi 29 Octobre 2015

Après avoir découvert les techniques artisanales des teinturières de Bamako et leur avoir dédié un livre, Patricia Gérimont s’attache cette fois à filmer leur travail, les conditions et l’environnement social dans lesquels elles exercent cet artisanat. Avec Jean-ClaudeTaburiaux, elle a capté les gestes du métier, retenu les paroles de deux femmes, l’une Sanata, exerçant sa profession à Bamako, l’autre Diko, en brousse dans le pays Dogon.

Bamako est la capitale de la teinturerie artisanale de l’Afrique de l’Ouest. Cet artisanat est exercé essentiellement par les femmes dans des familles qui se transmettent l’une à l’autre et de mère en fille les techniques tinctoriales. Des couleurs, elles connaissent tous les secrets. Le film ne se veut pas didactique. Les images vont et viennent entre deux univers, entre deux expériences de vie bien différentes.

Dans le village Dogon, entre les maisons d’argile et le vert des arbres et des cultures, les silhouettes des femmes portent les couleurs. Une extraordinaire diversité de couleurs sur les tissus de leurs pagnes et leurs bijoux.  Dans ce village cependant, les femmes teinturières ne travaillent que l’indigo naturel qu’elles cultivent, cueillent et préparent, selon une technique ancestrale. L’indigo donnant des bleus très sombres, presque noirs. Faute de production insuffisante de la plante,  elles ont dû se résoudre à adjoindre de l’indigo chimique à leur teinture, celui « des blancs ».

A Bamako, Sanata dirige un groupe de teinturières et d’ouvriers qui travaillent la teinture du bazin. Elle achète le bazin blanc, tissus de coton damassé fabriqué jadis toujours en Europe et aujourd’hui aussi en Chine. Le bazin est teint, décoré, rincé, séché sur des cordes, frappé au maillet pour son apprêt avant d’être vendu à des clients ou au marché. La teinture se pare de motifs. Ce sont des techniques « de réserve » qu’on effectue en nouant et fronçant les bazins avant de les plonger dans les bassins de teinture. Ce sont souvent les hommes qui effectuent ce travail décoratif à la base de la confection de magnifiques boubous. Ici, aujourd’hui,  les procédés sont chimiques, soude caustique et hydrosulfates fixent mieux les teintures, mais ils posent problème, nocifs pour la santé des artisans, ils menacent aussi l’environnement.

Dans le village Dogon, la vie c’est le travail,  entre l’agriculture et la culture de l’indigo qui subissent la sècheresse, l’élevage et le tissage du coton, la fabrication de l’indigo, la teinture, la couture et la broderie. La tradition de l’indigo reste dans les mains des femmes. Elles s’assemblent pour teindre et coudre, pour emprunter aussi afin de pouvoir acheter le matériel que nécessite leur activité. Mais si les micro-crédits permettent ce type d’emprunts, ils ne sont pas pour autant toujours accordés, exigeant des garanties que la petite activité artisanale d’une petite communauté ne peut pas toujours offrir. Diko travaille avec la communauté de son village, elle travaillera jusqu’à sa mort, pour ne dépendre de personne et pour ses enfants.

A Bamako, Sanata est l’une des trois coépouses d’un homme. Elle exerce son activité de teinturière aussi pour se rendre indépendante financièrement de son époux. Elle le fait pour ses enfants, pour leur avenir et elle rêve de voyager en Europe et en Amérique pour vendre ses bazins. Mais il faut de l’argent pour constituer un stock et le bazin riche, celui qu’elle préfère travailler est cher. Sanata est fatiguée, la vie est dure et l’argent manque toujours.

Françoise Vandenwouwer - PointCulture