L'homme qui cachait la forêt
« L’homme qui cache la Forêt » est un film bien senti et explicite des problèmes de déboisement au Laos. Il traite avec justesse du remplacement de la forêt originale dont dépendent beaucoup de Laotiens par des mono plantations qui rapportent à des entreprises étrangères et laissent les laotiens dans le besoin.
« L’Homme qui a réalisé ce film » est un être sensible sachant parler avec justesse d’injustices qui nous concernent tous. Il sait écouter, donner le ton des désillusions apportées au Tiers Monde en perte d’identité et surtout, il écoute les gens qui, sur le terrain, tentent de faire face aux aveugles puissances financières.
Tout part de la désillusion que représenta en 2009 la Conférence de Copenhague sur le climat et la proposition des Nations Unies de gérer des « crédit carbone ». Si le principe de ceux-ci semble bien pensé, beaucoup s’inquiètent d’y voir un moyen de conserver, pour les entreprises du nord, un moyen de continuer les émissions de dioxyde de carbone en finançant des projets, au sud, dont le coût est infiniment inférieur à celui à mettre œuvre pour réduire effectivement et de manière circonstanciée ces émissions. Une espèce d‘alibi bien pensant et cyniquement appliqué.
Ce premier constat expliqué, l’auteur nous présente trois initiatives locales qui sensibilisent les jeunes laotiens à la richesse de leur patrimoine environnemental. Le film se structure ainsi habilement autour d’interviews des représentants de ces associations et l’auteur prend le temps qu’il faut pour nous montrer les efforts consentis et les résultats obtenus. C’est tout à fait convaincant.
Loin des grands théâtres médiatiques où des messieurs en col blanc décident de l’avenir de la planète, ces hommes, qu’ils soient occidentaux ou laotiens, travaillent en fourmis discrètes à conserver au Laos son patrimoine naturel.
Les intervenants ne sont pas identifiés, pas de noms, pas de grades. Ils travaillent en brousse et dégagent la sympathie liée à ceux qui parlent avec passion. Il en va de même pour le cinéaste. Il s’est déplacé, loin de notre confortable Belgique. Il sait de quoi parlent ces gens et il leur donne la parole. C’est plus que les Nations Unies n’ont jamais fait.
Une forêt est créée par la nature dans sa splendide diversité ; sinon c’est une plantation.
Et voilà bien le problème. De riches sociétés louent pour des montant dérisoires d’immenses superficies de forêt primaire. Celles-ci sont rapidement déboisées pour accueillir des plantations (d’hévéa notamment). Mais le Laos est encore fortement dépendant de la forêt. Des populations nombreuses vont chercher en forêt les légumes et les fruits qui constituent leur principale alimentation, sans parler de la riche pharmacopée qu’ils en retirent. Le film nous montre comment de petites initiatives rencontrent de grands résultats.
Tout cela coûte cher et d’autres « associations » ont pensé valoriser la forêt par le tourisme vert. Un Français et ses assistants laotiens ont construit de splendides maisons dans les arbres. Des jeunes filles nous servent de guides « au grand hôtel de la canopée ».
La troisième initiative que le film explore concerne l’éléphant. L’éléphant est le symbole du Laos et il y est en voie de disparition. Joli symbole aussi qui, pour les quelques animaux encore au travail, est utilisé pour le débardage des précieux troncs dont l’abattage appauvri justement le pays. Si on restaure les traditions locales en ressuscitant un peu partout des « Fêtes de l’éléphant » le plus efficace semble bien être les promenades à dos de pachyderme. En tout cas, il s’agit là d’une autre initiative locale pour survivre avec honneur et fierté.
Tout cela se passe bien loin de chez nous, c’est entendu, mais sur terre, les difficultés des uns doivent être les soucis des autres car tout est lié.
En conclusion, j’aimerais citer l’auteur dont le commentaire final est parfait, à mon sens. Il crédite le film et universalise le discours : « Ces projets sont efficaces parce qu’adaptés à leur milieu. Développer les liens entre ces initiatives locales et établir un vaste réseau d’échanges et de coopération entre elles semble être la solution la plus efficace pour préserver notre environnement. Cette solution est inspirée par la nature elle-même. La biodiversité, vieille de 3 milliards d’années, ne nous a pas attendu pour inventer ce qu’on appelle aujourd’hui le développement durable ».
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Peter Anger