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Kongo - Première partie : la course effrénée (1510-1908).

Mardi 19 Décembre 2017

Terre de promesses et de souffrances.

KONGO de Samuel Tilman, Daniel Cattier, Isabelle & Jean-François Bastin

Un documentaire original en trois parties qui mêle procédés d’animation modernes et images d’époque, faits historiques établis et points de vue subjectifs, et propose un regard différent sur un pays « continent » et ses relations, ambigües, complexes et difficiles avec la petite nation qui l’a pratiquement fait naître : la Belgique.

Première partie : la course effrénée (1510-1908).

Le territoire du Congo, de sa « découverte » par les Portugais au XVIème siècle à sa mise sous tutelle forcée par le Roi d’une jeune nation d’Europe bien trop petite en regard des ambitions démesurées d’un souverain qui tient à imprimer l’Histoire de son empreinte.

En 1579, alors que les caravelles battant pavillon pour le compte du royaume de Portugal sillonnent le globe, le dénommé Duarte Lopes franchit l’embouchure du fleuve appelé Congo. Il est le premier « blanc » connu à y pénétrer et est en quête de richesses, autrement dit de « forces noires » à destination des plantations du Brésil et d’Amérique du Sud, et dont le juteux négoce a fondé quelques solides fortunes. Premiers occidentaux sur ces terres, les marchands sont suivis par que quelques missionnaires en quête d’évangélisation. Pour les indigènes, ces nouveaux pâles arrivants sont perçus tels des revenants surgis du fond de l’océan. Les structures politiques locales alors en place – des gouverneurs de province sous l’autorité d’un roi – ne vont pas résister longtemps à cette intrusion/immixtion. Et pour plus de trois siècles, des millions de Congolais vont être envoyés comme esclaves aux Amériques avec l’aval de négriers arabes et de quelques potentats locaux. Une véritable saignée démographique dont la cruelle mise en œuvre finira par choquer les contingents de nouveaux arrivants venus dans d’autres buts (explorer et/ou convertir). Ainsi le père blanc Lavigerie qui est l’une des figures essentielles du combat contre un esclavage qui prend alors la forme d’une captivité forcée au sein d’immenses exploitations. Il trouve en Léopold II un allié de circonstance à sa cause. Monté à 30 ans sur le trône d’un jeune pays prospère, il tente vainement de placer un quelconque territoire extra-européen sous tutelle coloniale avant de changer de tactique et de se présenter dans la posture d’un philanthrope humaniste, adversaire résolu e l’esclavage. Il se paye les services de l’explorateur américain H.M.Stanley qu’il envoie reconnaitre l’intérieur du pays en 1878. Il fonde des « postes » le long du fleuve au nom d’un comité d’étude scientifique et achète aussi parfois quelques appuis locaux dans une course à l’occupation d’un immense espace vierge que convoite d’autres puissances européens telles la France et la Grande-Bretagne. Puis, au nom d’un futur état à naître (le Congo indépendant), il obtient par traités en 1884, la souveraineté sur l’embouchure du fleuve et un accès à l’océan Atlantique. Avalisé par la conférence de Berlin de 1885, c’est un territoire soumis au principe du libre échange, grand comme 80 fois la Belgique qui est placé sous sa tutelle.

Mais en Belgique, c’est la douche froide. Entre l’indifférence frileuse des Catholiques et Libéraux et l’opposition plus marquée du Parti Ouvrier Belge naissant, le Roi se voit obligé de financer ses projets de développement congolais sur sa cassette personnelle.

Il n’y a alors au Congo qu’une poignée d’Européens et de Belges qui s’affairent à une « occupation efficace » qui passe par l’organisation d’une « Force Publique » aux effectifs indigènes recrutés sur place. Mais devant la frilosité des engagements privés, Léopold II est contraint de solliciter un gigantesque emprunt sans intérêt à la Belgique en 1890. Puis avec l’appui d’Albert Thys, il se lance dans l’épopée de d’une ligne de chemin de fer dont la construction va causer des milliers de victimes. Changeant à nouveau de tactique, le souverain se fait le pourfendeur des esclavagistes (arabes) et réclame pour ce faire, la taxation des échanges commerciaux. Ensuite avec l’instauration du système dit « domanial », le souverain se voit attribuer des millions de kms carrés « qui n’appartiennent à personne… ». Une occupation forcée synonyme pour les indigènes de rébellion (violement réprimée) ou d’asservissement forcé au sein d’immenses plantations (le caoutchouc a le vent en poupe) par des agents zélés dont les exactions vont provoquer un quasi génocide au sein des populations autochtones.

Au début du XXème siècle, alors que la richesse nouvellement accumulée par Léopold II est immense, les critiques à l’encontre de sa politique coloniale se font de plus en plus virulentes. Le journaliste anglais Edmund Morel parvient à mettre l’Afrique et le Congo au centre de l’agenda diplomatique et le Roi se voit contraint d’envoyer en 1904 une commission d’enquête dont les conclusions seront déterminantes dans sa décision de céder sa « concession personnelle» à la Belgique. Usé, il laisse, en 1908, un cadeau d’adieux empoisonné à une nation devenue par dépit une puissance coloniale, et obligée de laver l’honneur perdu d’un suzerain aux ambitions démesurées.

 

Yannick Hustache (PointCulture)