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Kongo - Troisième Partie : le géant inachevé (1960-2010)

Mardi 19 Décembre 2017

Terre de promesses et de souffrances.

KONGO de Samuel Tilman, Daniel Cattier, Isabelle & Jean-François Bastin

Un documentaire original en trois parties qui mêle procédés d’animation modernes et images d’époque, faits historiques établis et points de vue subjectifs, et propose un regard différent sur un pays « continent » et ses relations, ambigües, complexes et difficiles avec la petite nation qui l’a pratiquement fait naître : la Belgique.

Troisième Partie : le géant inachevé (1960-2010)

Devenu indépendant sans y avoir été préparé, le Congo sombre dans la guerre civile, engloutissant ses rêves de paix et de prospérité, et emportant dans son tumulte cette figure essentielle de l’émancipation congolaise qu’était Patrice Lumumba. Mais c’est bien un avatar (animé) de la conscience de ce même Patrice Lumumba qui sert d’aiguillon moral et de guide au sein de cette visite du Congo de l’après indépendance. Une superpuissance en éternel devenir placée depuis1960 sous la coupe de leaders omnipotents et fantoches (Mobutu, Kabila père et fils), rongé par d’innombrables contradictions et divisions et une pauvreté endémique, mais toujours habité par son rêve de lendemains meilleurs…

Patrice Émery Lumumba est le premier 1er ministre du Congo souverain et indépendant (1960). Cet ancien « évolué » confiant devenu nationaliste panafricain, tire le constat que tout est à faire et que son pays doit commencer par devenir congolais. Au soir du 30 juin 1960 (date officielle de l’indépendance du Congo), tous les leviers du pouvoir ou presque sont encore aux mains des Belges. Et quatre jours à peine après le 30/06/1960, les premières mutineries éclatent au sein de l’armée congolaise. Les Belges fuient par centaines, le chaos s’installe, le Katanga, ainsi que le Kasaï en profitent pour faire sécession, et les parachutistes belges reviennent occuper les points névralgiques du pays. Lumumba fait appel à l’O.N.U. qui envoie à son tour des troupes d’interposition. L’état d’exception est décrété et l’armée expédiée dans les provinces rebelles où elle se livre à des massacres qui sonneront le glas de la carrière politique de Lumumba. Mais la guerre civile profitera avant tout à Joseph-Désiré Mobutu, ancien secrétaire de Lumumba et colonel dans l’armée. Assigné à résidence et surveillé par les militaires, l’ex premier ministre tente de fuir vers Stanleyville mais échoue et se voit exilé au Katanga où il meurt assassiné le 17 janvier 1961.

La guerre se poursuit jusqu’en janvier 1963. Le pays est exsangue et en proie à de nouvelles rébellions sanglantes dès 1964. Des massacres commis à Stanleyville font revenir une nouvelle fois les paras belges. Le 24 novembre 1965, Mobutu « destitue » Kasa-Vubu alors que le Congo est désormais « pacifié », et s’installe au pouvoir pour une  durée de 32 ans. Il fait le vide parmi les opposants à l’intérieur et adopte la posture de « la danseuse » à l’extérieur ; un jour pro-américain et jouant dès le lendemain la carte des non-alignés. Un caméléon politique qui reste maître du jeu dans ses complexes relations avec son ancienne métropole, crée un parti politique jouet (le Mouvement Populaire de la Révolution en 1967), puis invite le roi des Belges dix ans après l’indépendance en suzerain et amis (« en cousin »). Les cours avantageux du cuivre offriront une manne providentielle pour le développement d’un Congo dirigé d’une main de fer que son président va soumettre à une cure « d’authenticité » drastique qui veut faire table rase du passé. Le nom du pays (qui devient Zaïre) change, mais aussi le nom des villes, des rues, le drapeau, la façon de se vêtir et le Zaïre tient à affirmer sa place dans le concert des nations.

Mais de l’intérieur, le Zaïre est un non-Etat totalement gangrené par la corruption et les jeux d’influences interlopes entre un despote mégalomane, et une « clique » qui s’en disputent les faveurs, honneurs et richesses, alors que le peuple, dans son immense majorité, croupit dans la précarité.

En 1980, un début d’opposition politique voit le jour avec la création de l’UDPS tandis que le pays est sous contrôle financier international. Mobutu, qui n’a plus que pour unique ambition que de se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible lance lui-même le mouvement de démocratisation au début de la décennie 1990. La Conférence Nationale Souveraine est l’instrument chargé de mener cette transition démocratique pendant que le président révoque pas moins de 11 premiers ministres en 7 ans…

Mais davantage que la maladie qui le ronge et les émeutes qui embrasent à nouveau le pays, ce sont les conséquences directes du génocide rwandais qui vont précipiter la chute du vieux lion. Lancés à la poursuite des génocidaires en fuite à travers la riche province minière du Kivu, les Rwandais qui font main basse sur ses richesses minières au passage, vont tirer les ficelles d’un soulèvement qui va voler de victoire en victoire. Le mouvement se nomme FDL et son leader Laurent-Désiré Kabila, est un vieux maquisard et trafiquant qui utilise les enfants-soldats pour les besoins de sa cause.

Le 16 mai 1997, Kabila se proclame président du Congo (qui reprend son nom originel) laissant Mobutu mourir en exil au Maroc et attise un conflit qui reprend de plus belle l’année suivante. Dans un climat de guerre civil, Joseph Kabila, fils du premier, remplace en 2001 son père assassiné à la tête de l’Etat…

Un troisième volet de Kongo davantage réflexif mais toujours aussi subtilement critique, qui s’attache à conclure sur une note malgré tout positive (le Congo est devenu un pays et un peuple), et déjoue l’écueil de sa forte proximité temporelle aux évènements en recourant habilement à son dispositif d’avatars animés.

Subtil, instructif et d’une lecture aisée.

 

Yannick Hustache (PointCulture)