Accéder au contenu principal

Les Allumés de la foi (Richard OLIVIER, 2005)

Vendredi 22 Août 2014

Richard Olivier dresse le portrait croisé de trois « originaux » qui vivent leur foi dans le Christ de manière bien peu orthodoxe, en marge des institutions officielles et des usages courants, et qui, à leur manière, nous interpellent sur notre propre relation à cet « acte de croire (ou croyance) », partagé ou non.

 

Et le premier de ces thuriféraires zélés est un « porteur de croix », l’un des pénitents qui rejouent chaque année (durant le dernier dimanche de juillet) la passion du christ dans la ville de Furnes. On y voit la transformation physique d’un homme ordinaire, «  même pas religieux », en un Jésus cadavérique presque kitsch, couronne d’épines et faux sang séché en prime, qui déambule ensuite pieds nus dans cette petite ville située non loin de la côte. Et ce personnage, de se charger d’une imposante croix (45 kg !) et de prendre la tête d’une procession aux atours certes folkloriques, mais organisée avec le plus grand sérieux et suscitant une véritable dévotion sur son parcours. Au final, le porteur avoue accomplir cet exploit pour que survienne un miracle, la guérison de sa femme, qui souffre de la sclérose en plaques, sans pour cela témoigner d’une foi « intangible », mais seulement habité de la certitude « qu’il y a quelque chose de supérieur »…

A Charnay-Lès-Mâcon (Saône-et-Loire, France), un (vieil) homme vouté, vêtu d’une robe de bure et d’un capuchon lui donnant l’aspect d’un moine, se déplace à l’aide d’une canne, distribue des croix de bois fabriquées de ses mains, et passe ses après-midi juché par-dessus un pont surmontant l’autoroute (A6), à agiter une colombe de la paix en forme de croix «pour ramener la paix entre les hommes», à battre la campagne en solitaire , ou encore à se recueillir dans les ruines d’un ancien édifice religieux. A l’abbaye de Cîteaux toute proche, « frère » Fernand a laissé le vague souvenir d’un « original »inoffensif, mais aux prédispositions monastiques et communautaristes limitées. Lui-même ne s’y est pas senti à sa place, préférant répondre à cet appel de Dieu qui l’a saisi tout jeune à « sa manière », et ce après de difficiles moments où ce quasi ermite a failli mettre fin à ses jours.

Sous le regard indifférent des falaises du (Le) Tréport, Jean-Pierre, un ancien braqueur de banques nage en mer, un christ de 12 kg en croix attaché dans le dos « afin de se laver de toutes ses années de prison », Il se dit libre penseur mais également épris du Christ depuis l’âge de 13 ans. Et c’est en son nom qu’il est allé jusqu’à organiser un braquage pour financer une intervention chirurgicale au profit d’une petite fille atteinte de cécité précoce. Il adore le Fils du Dieu des chrétiens mais abhorre son clergé. Ce « titi » parisien en excellente santé physique à l’aube de ses 60 ans (il soulève des poids et prend des douches froides quotidiennement), se « marie » lors d’une cérémonie qui singe le rituel catholique dans une Gay Pride déambulant du côté de Montmartre.

Le cinéaste dresse le portrait de trois « croyants » singuliers, dont la foi s’inscrit dans une démarche résolument personnelle, parfois solitaire, mais totalement dénuée d’inclinaisons prosélytes ou d’accents prophétiques voire millénaristes. De fait, la foi haute en couleurs et « gouailleuse » de Jean-Pierre n’exclut pas celle, vécue dans la solitude, de frère Fernand ni ne contredit la mise en scène quasi folklorique de la procession de Furnes. Un « fil rouge » souligné par un montage alterné (mélangé) de séquences à propos de l’un ou l’autre des protagonistes, mais parfois inutilement surligné de quelques effets (sonores et visuels) dramatiques malvenus, et questions/remarques inappropriées (l’insistance faite sur la rondeur obstinée des croix construites par Fernand) qui tendent à placer le narrateur en surplomb (moral ?) de son sujet.

Yannick Hustache - PointCulture