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Austerlitz, la victoire en marchant (Jean-François DELASSUS,2006)

Mardi 02 Septembre 2014

Le récit de l’un des plus brillants succès tactiques du jeune empereur Napoléon Ier en 1805, vécue du dedans, au travers des acteurs qui y ont pris part, et avec le recul critique d’observateurs de la chose historique aux points de vue éclairants. 

 

En 1805, la (jeune) République française devenue Empire fait face à des puissances monarchiques séculaires, l’Autriche, la Russie et surtout l’Angleterre, maîtresse incontestée des mers et ordonnatrice d’un blocus naval (des ports) qui étrangle la France. C’est d’ailleurs face à elle, que campe, en automne 1805, la Grande Armée. Napoléon attend que sa flotte, encrée en méditerranée le rejoigne et franchir l’estuaire de la Manche, abattre cet ennemi « héréditaire » qui ne ménage ni ses efforts ni ses moyens pour contrecarrer l’hégémonie de Bonaparte sur le continent. Fin août, alors que ses bateaux sont toujours bloqués près de Cadix (et seront envoyés par le fond à Trafalgar le 21 octobre !), une coalition Autriche/Russie se forme au côté de l’Angleterre se forme et envahit la Bavière, alliée de Napoléon. Celui-ci réagit à la vitesse de l’éclair et ses régiments traversent la moitié de l’Europe (1700 km !) et en quelques semaine, à marches forcées. C’est une armée « populaire », issue de la révolution, habitée de ses idéaux, et menée par de jeunes généraux (Soult, Davout…) sortis des rangs et rompus au métier de la guerre. A la différence de celles de ses adversaires où la qualité des officiers est liée davantage à l’étendue de leurs quartiers de noblesse qu’à leurs valeurs militaires intrinsèques, et où la troupe combat avant tout pour sa solde.

Combinant, ruse, méthodes d’intoxication et rapidité de mouvement, domaines dans lesquelles il excelle, Napoléon surprend, fin octobre, une première armée autrichienne à Ulm (Bavière) et la met en déroute. S’opposant à son ministre Talleyrand sur la suite politique et diplomatique à apporter à sa victoire, et alors que l’automne cède la place à un hiver précoce, Napoléon se lance à la poursuite des Russes commandés par Koutouzov, envahissant par là même le territoire de l’empire autrichien. Les Français occupent Vienne, tandis que Russes et Autrichiens regroupent leurs forces face à une Grand Armée affaiblie par 3 mois de campagne au pas de charge. Mais Bonaparte n’a plus le choix après le désastre de sa flotte à Trafalgar, il doit forcer la décision en Europe continentale.

La poursuite s’arrête en Bohème-Moravie (aujourd’hui Tchèque), non loin de la ville de Brünn et du petit bourg d’Austerlitz qui a donné son nom à la bataille. Napoléon a en face de lui deux armées russes et une armée autrichienne à un moment où les Prussiens hésitent encore à entrer dans le conflit. En état de franche infériorité numérique et loin de chez lui, l’Empereur va déployer des trésors d’ingéniosité pour amener ses ennemis là où il a choisit de les combattre, ce plateau de Pratzen qu’il a lui-même reconnu et parcouru dans les moindres détails. Il feint ensuite la faiblesse (militaire), use de ruses multiples qui induisent chez ses adversaires l’idée qu’il est aux abois. Il va même jusqu’à proposer aux Russes et son Tsar Alexandre 1er l’éventualité d’une trêve (fictive !)! Et ceux-ci vont mordre à l’hameçon. 

Une stratégie napoléonienne dont la clé réside en un coup de dé magistral, que l’un de ses corps d’armée (celui de Davout) accomplisse l’exploit de parcourir 110 kilomètres en un jour et deux nuits et vienne stopper, en prenant appui sur deux simples villages (Telniz et Sokolnitz), la progression des colonnes ennemies et l’axe majeur d’une stratégie russo-autrichienne enveloppante que Napoléon semble lui-même avoir soufflé à ses adversaires ! Changeant au dernier moment le sens de progression du gros de ses forces, Bonaparte, profitant du brouillard, attaque par surprise au centre du dispositif adverse, là où il est le moins attendu. Tandis que les troupes de Davout, en un rempart infranchissable se sacrifient à un contre vingt, Napoléon enfonce les positions de son opposant qui commence à se déliter dans la plus grande confusion. Enfin, il enserre les forces austro-russes dans une pince mortelle qui les écrase.

Une victoire tactique éclatante d’un Napoléon au summum de son génie tactique qu’une exploitation stratégique et politique mal négociée obligera à réitérer jusqu’à … sa défaite définitive de 1815.

Austerlitz, la victoire en marchant réussit le pari de raconter cette bataille emblématique des conflits napoléoniens dans le détail mais sans jamais égarer le néophyte en cours de route. D’une grande de clarté didactique et imprimé d’un excellent rythme narratif il, ne manque ni une mise en situation d’époque ni de recul historique. Donnant corps aux principaux protagonistes de la batailles par le recours à des acteurs jouant dans leur propre langue (dont un feu Bernard-Pierre Donnadieu campant un empereur criant de vérité), ce documentaire alterne interventions éclairantes d’historiens internationaux, images de cinéma (dont Austerlitz d’Abel Gance), explications tactiques avec cartes et figurines à l’appui et quelques reconstitutions menées en étroite collaboration avec les nombreux groupes de volontaires amateurs, disséminés dans toutes l’Europe qui rejouent les guerres napoléoniennes en costumes d’époque, aux mêmes dates de leurs déroulements. Mais, cette fois, dans la fraternité ludique d’une paix retrouvée…

Yannick Hustache - PointCulture