La jungle étroite (Benjamin HENNOT, 2013)
D’abord, le regard se perd dans les feuillages, denses, qu’on dirait sauvages. Puis la caméra découvre des tuyaux, un système d’arrosage du jardin. Car il s’agit d’un jardin, l’extraordinaire jardin de Gilbert et Josine Cardon.
« Quand j’étais petit, je rêvais du paradis terrestre. L’idée du paradis terrestre, les fruits, le miel… C’est ça que j’ai eu envie de faire quand j’étais adulte. Il faut essayer de réaliser les rêves qu’on avait quand on était adolescent, et c’est possible… ».
Gilbert est un ancien ouvrier, délégué syndical, tout imprégné de l’idée du partage, de vivre des expériences ensemble. « Il faut se grouper et tout est possible. A partir du moment où les gens se mettent ensemble, tout est possible. »
Entre la gare de Mouscron et le centre-ville, son jardin recèle une incroyable biodiversité. Le Groupe Jardinage des Fraternités Ouvrières comptait à ses débuts une quinzaine de personnes. En quelques années, 1300 personnes au moins se sont « inscrites au club » et essaiment d’autres groupes dans d’autres régions. L’idée est de rendre le bio accessible à tous. A cette fin les semences sont achetées en groupe et le savoir est partagé, gratuitement. Réunions, cours, visites du jardin. Le jardinage biologique exige sa part de paresse. « Il faut pouvoir s’asseoir, regarder, réfléchir, écouter, observer, pour comprendre. Au plus on arrive à avoir un degré de compréhension avec la nature, au mieux ça va. » A l’encontre des principes de productivité maximale qui font que « si on a planté 20 choux, il faut en récolter 20 », le jardinier allié de la nature, partagera avec chenilles, insectes et oiseaux, ce qui ne représente qu’un faible pourcentage de perte par rapport à la productivité du jardin bio. « S’il n’y a pas de chenille, il n’y a plus d’oiseaux… »
Le but de la permaculture, c’est de réaliser un maximum de récolte sur un minimum de terrain. Partout dans le monde, avec très peu de moyens et un peu de main d’œuvre, on peut obtenir cette productivité sans avoir recours aux pesticides et aux engrais.
Visite du jardin. La caméra sur les pas de Gilbert découvre la diversité des essences, les variétés rares qui poussent les unes à côté des autres, très anciennes ou plus récentes. « Le jardinage, c’est un moyen extraordinaire pour les milieux pauvres de s’émanciper, de devenir créateur. Quand on est bien dans un cadre qu’on a créé soi-même (car les gens ne sont plus créateurs de rien), une fois qu’ils ont créé eux-mêmes, fait pousser leurs légumes, même s’ils sont moins beaux que ceux qu’ils achètent, c’est un plaisir incroyable, un plaisir énorme, ça fait partie d’eux-mêmes. » Et Gilbert nous parle du lien qui se tisse entre la nature et nous, «ça fait partie de nous, la même vie à un autre stade ». Et ce lien extraordinaire rend heureux et nous aide à progresser et à lutter, « 90% de la santé c’est le mental ».
Dans les locaux où l’on se rencontre pour le partage et écouter les conseils de Gilbert, les étagères contiennent des milliers de sortes de semences dont les noms font rêver à ce paradis terrestre, là, tout proche, à notre portée.
Françoise Vandenwouwer - PointCulture