Filmographie : Benjamin Hennot
L’hiver de 1960 à 1961 fut le théâtre de la plus longue grève générale qu’ait connue la Belgique depuis la Seconde Guerre mondiale: jusqu'à deux mois d’immobilisation totale du pays contre une loi d’austérité. Sur les innombrables archives, une profusion de personnages de tous bords nous racontent les initiatives qu’ils menèrent alors. Mais, surprise : à la place d'anciens grévistes aux tempes grises, ce sont des jeunes qui nous racontent ces éclats de lutte, comme s’ils y étaient, comme s’ils y avaient été.
Il y a trente-cinq ans, la région couvinoise était le théâtre d’une opposition farouche contre un projet d’implantation de barrage, masse gigantesque aux portes de Couvin. La lutte fut très vive, la résolution des Couvinois, qu’on aurait pu croire endormis, surprit par son dynamisme et sa vigueur. Les Couvinois avaient alors fait preuve d’une détermination, d’une inventivité tout à fait exceptionnelle et l’on venait même de l’étranger observer cette révolte populaire. Elle fut d’autant plus remarquable que l’Etat, devant un rejet aussi massif et une expression populaire aussi large, finit rapidement par suspendre son projet aberrant, puis par y renoncer. Aujourd’hui l’Eau Noire coule toujours paisiblement dans son lit et les «Irréductibles» n’ont pas oublié.
L’association mouscronnoise "Fraternités ouvrières", aujourd’hui, ce sont des jardins-vergers sauvages, un grainier comptant six mille variétés de semences, des cours et des ateliers gratuits. Son passeur, porte-parole et cheville ouvrière, c’est Gilbert. Tous les jardiniers curieux de Lille, Bruxelles ou Gand, tous ceux et celles qui veulent lier social et jardinage passent là pour se frotter à sa parole et à son jardin, roboratifs et luxuriants. Et lui, l’ancien délégué syndical, il leur dit : "Je préfère bouffer de la merde à plusieurs plutôt que de manger du bon tout seul".
Une plongée dans l’état mental du guerrier de la liberté : Ils sont belges. Ils ont plus de 90 ans. La Résistance rend résistant. Leurs souvenirs sont ardents. Stan était élève à l’athénée royal de Koekelberg, Ulysse étudiant en médecine à l’ULB. Les deux anciens maquisards se replongent avec délectation dans les “dirty tricks” qu’ils infligèrent impunément à l’occupant. L’Histoire à hauteur d’homme. De l’humain, oui, mais dans ce qu’il a de meilleur, dans ses plus hautes inclinations, où le courage se mêle à la ruse, où l’inventivité côtoie l’intelligence et l’audace, où la coopération est au service de la non-résignation.