Brussels footage : enseigner dans la capitale

A l'occasion du lancement de Brussels Footage, une plateforme numérique gratuite donnant un aperçu de plus de 120 ans de films (fictions, documentaires et archives SONUMA) tournés à Bruxelles, PointCulture propose de faire le point sur la pratique de l'enseignement dans la capitale belge à travers cinq documentaires.

Immersion d’une année dans les murs de l’Institut de la Providence, situé dans la commune d’Anderlecht, A l’école de la Providence (2000) est une fenêtre ouverte sur le monde singulier de l’enseignement technique et professionnel. Sise au sein d’une réalité bruxelloise précaire, celle d’une commune ayant absorbé une part non négligeable d’individus issus de l’immigration, l’école semble refléter le manque de mixité sociale caractéristique d'Anderlecht, ainsi que recréer, malgré elle et à échelle réduite, les conditions d’existence d’une certaine forme de ghettoïsation. Synonyme de dernière chance de poursuivre des études supérieures, l’accès à l’établissement est, de l’aveu de nombreux élèves, facilité par une politique de tolérance quant à leur parcours scolaire respectif, voire aux démêlés judiciaires de certains d'entre eux : bannis du reste de l’enseignement, la Providence apparaît donc davantage comme une fatalité qu’un choix. C’est dans un tel contexte que le réalisateur, Gérard Preszow, ira au contact de ces adolescents – ainsi que des adultes qui les encadrent – dont les témoignages laissent libre cours à une mosaïque de sentiments mitigés, allant de la gratitude à la honte, en passant par l’espoir de s’en sortir par la connaissance… Visionner un extrait sur Brussels Footage.

C’est en établissant une bibliothèque en ses murs que l’école fondamentale J.J. Michel, située à Saint-Gilles, permet à ses élèves un accès privilégié à la lecture. Une heure par semaine, de jeunes enfants sont invités à « passer la porte du silence », selon l’expression consacrée au sein de l’établissement. S’il est vrai qu’une certaine sagesse est de mise une fois son seuil franchi, la porte en question est avant tout une invitation à partager ses trouvailles livresques. Réalisé par Isabelle Rey, Histoire de lire (2007) suit donc Véronique Bruyndonckx, bibliothécaire, à travers la pléthore d’activités mises en place en vue d'aborder la littérature avec un jeune public. Par son poste de bibliothécaire interne à l’école, Véronique jouit d’une proximité sans pareille avec les élèves, lui permettant de les orienter, tant en fonction de leurs affinités que de leur aisance avec la langue. Et puisqu’elle envisage la lecture, non pas seulement de façon introspective, mais bien comme un moyen d’accès à autrui, tous sont régulièrement invités à s’exprimer sur base d’un livre, qu’il s’agisse d’en faire une présentation orale, voire, pourquoi pas, de glisser d’un genre à l’autre du spectre littéraire en l’adaptant pour le théâtre…Visionner un extrait sur Brussels Footage.

Le nom des choses (2011) met en scène le quotidien particulier de Martine Nolis, animatrice-philo auprès d’élèves de maternelle et primaire, issus de différentes écoles bruxelloises. En effet, celle-ci s’évertue à poser à de jeunes enfants des questions sur lesquelles la plupart des adultes daigneraient à peine s’attarder, parfois faute de temps, souvent par manque de curiosité, voire d’humilité : Quel est l’origine du langage ? Pourquoi les choses portent leur nom? Autrement dit, pourquoi appeler un chat, un chat ? L’intérêt de ces ateliers, puisqu’ils ne prétendent pas apporter de réponses péremptoires à des questions qui laissent toujours la linguistique moderne, voire la philosophie, relativement coi, ne réside pas tant dans ce qu’ils produisent en termes de contenu, mais bien dans la démarche en soi, celle qui consiste à entrouvrir des pistes de réflexion, constituant ainsi une parenthèse nécessaire dans la journée-type de l’écolier moderne, parenthèse paradoxalement plus ouverte que « un et un font deux » … Visionner un extrait sur Brussels Footage.

Emmener des enfants de l’école primaire chaque samedi matin à l’université, c’est le projet de l’école 8 de Schaerbeek, immortalisé par le film Bus Campus (2019). Sur place, des ateliers leur sont dédiés, tantôt thématiques, traitant d’enjeux de société, tantôt pratiques, leur laissant entrevoir les arcanes de métiers à vocation plus scientifique. Le film se penche sur les destins croisés d’enfants, tous issus de l’immigration, de première génération pour certains : Radi est né en Bulgarie mais se sent déjà pour partie belge ! Oussama, lui, est d’origine maghrébine mais a grandi en Sicile, cette île qui lui manque tant... Yassmine, quant à elle, parle arabe et français à la maison, quand Adrian ne connaît encore que sa langue maternelle… Sans surprise, ceux qui parmi eux ne vivent pas leur existence en Belgique comme un déracinement, accueillent avec bien plus d’enthousiasme ces excursions pédagogiques du samedi sur le campus Solbosch...Visionner un extrait sur Brussels Footage.

Évoluant d'ores et déjà déjà dans la cour des grands, les jeunes protagonistes de Section professionnelle (2018) – une série documentaire tournée au sein de l’Athénée Royale de la Rive Gauche à Laeken – portent en bagage leur milieu socio-professionnel et leurs histoires familiales d'immigration. En effet, leur école est dite « à discrimination positive ». Bien qu’ici, les méthodes pédagogiques, ainsi que celles qui visent à sanctionner, s’apparentent clairement à celles de l’enseignement traditionnel, celles-ci sont diluées par un principe général de bienveillance, eu égard aux situations personnelles des élèves et en cohérence avec l’objet social particulier de l’école. Aussi, et pour ne prendre qu’un exemple, des initiatives spécifiques sont mises en place telles qu’un atelier d’éloquence et d’argumentation (épisode 2), et ce afin de donner à ces jeunes issus de milieux défavorisés les outils leur permettant de gérer leurs divergences d’opinion avec autrui en bonne intelligence. Qui ne bénéficierait pas d’ailleurs de ce type d’initiatives, après tout ?

Simon Delwart

Autres films en lien avec l'enseignement sur Brussels Footage :

• L'école de la tolérance (Roger Beeckmans, 2003)
• À l'école 13 (Gérard Preszow, 2004)
• Quel est le bruit de l'arbre qui tombe dans la forêt... s'il n y a personne pour l'entendre? (Clémence Hébert; 2007)
• L'école du changement (Anne Schiffmann & Chergui Kharroubi, 2019)